Harold Van Wyck ou le syndrome de l’œuf – S04E05

Dans Les assassins
décembre 21, 2021

Harold Van Wyck est allemand. Il a épousé une belle américaine, riche, blonde, héritière d’une compagnie de sécurité. il est aussi inventeur, féru de gadget électronique et avant-gardiste : une montre digitale, un système de surveillance par caméra, des portes qui s’ouvrent ou se ferment en réagissant aux sons… Harold est aussi un piètre gestionnaire, la compagnie gagne de moins en moins d’argent et sa belle-mère le menace de le remplacer au poste de directeur.

Oskar Werner (qui a joué Jules dans Jules et Jim de François Truffaud) livre une interprétation toute germanique, où du moins, une interprétation telle que les préjugés le laissent entendre. Harold, son personnage, est donc allemand, rigoureux, froid et méthodique. Son affrontement verbal – sans pitié et tout en humour mordant – avec sa belle-mère fait mouche, et malgré le pouvoir qu’elle exerce sur lui, elle a perdu la bataille des mots. Harold est, se voit, et agit en étant supérieur.

Ce jeu d’acteur tout en rugosité rend le personnage d’emblée antipathique. Ce choix est mis en relief par son attitude avec sa femme, Elizabeth : prévenant, flirtant, aux petits soins. Le spectateur sait pertinemment que tout cela n’est qu’un jeu, une ruse, une manipulation. Cela ajoute du coup une couche de plus à l’antipathie que ce personnage dégage. On se demande même comment Elizabeth peut être autant dupe de ses agissements. A moins que… A moins qu’Harold aime vraiment sa femme, et que ses interactions avec elle soient ses seuls moments de sincérité. En présence de qui Harold Van Wyck joue-t-il un rôle ? Est-ce à la galerie d’art avec ses regards concupiscents ? Son vrai visage est-il celui qu’il montre lors de la confrontation avec sa belle-mère ?

Harold souffre peut-être du syndrome de l’œuf et de la poule : étranger, il doit se faire une place parmi l’intelligentsia californienne. Son mariage lui accorde cette place, qui n’est qu’une place au rabais, constamment remise en doute par sa belle-mère. A quel moment, Harold a-t-il cessé d’être le génial inventeur pour se complaire dans le rôle froid d’un manipulateur ? A-t-il un jour aimé sa femme ? Où était-ce une affection calculée ? Quel est son véritable mobile ? Empêcher sa belle-mère de révéler ses infidélités à la femme qu’il aime ou la tuer pour conserver sa place dans la société ?

Mais toute ces couches d’aversion n’en font pas un assassin charismatique comme d’autres avant lui. Malgré l’ingéniosité du scénario, le duel avec Columbo est à l’image de son tueur : froid, sans humeur et sans scrupules.

La relation avec sa femme, pourtant, est parfaitement mise en scène et ajoute une profondeur aux deux personnages. Elizabeth me fait penser à Beth Chadwick. Tout au long de l’épisode, elle cherche à s’émanciper, on sent une colère en elle, une envie d’être plus que ce à quoi on la destine. En deux scènes son évolution est suggérée : dans la première, elle dit au lieutenant d’agir normalement en sa présence, de ne pas être gêné par le fait qu’elle soit en fauteuil roulant. Dans la seconde, elle émet le souhait de prendre les rênes de la compagnie pour se faire gentiment manipulé par son mari.

Elizabeth, interprétée par Gena Rowlands, joue son rôle à la perfection. La dernière scène de l’épisode est l’une des plus émouvantes, en attendant celle de La femme oubliée.

Au fond, les scénaristes ont traité le personnage d’Elizabeth avec la même ambiguïté que celle de son mari. Elisabeth est-elle une femme forte ou une petite chose fragile ? Et la construction du récit et la déconstruction des personnages au fil du film rendent cet épisode mémorable. Il aurait fallu un poil plus de charisme à l’assassin pour rendre le tout excellent.


Filmographie sélective d’Oscar

Il fait une carrière internationale dans le cinéma à la suite de sa participation à Lola Montès de Max Ophüls en 1955. Il joue notamment dans L’Espion qui venait du froid de Martin Ritt mais est surtout célèbre pour ses deux films avec François Truffaut : Jules et Jim (1962) et Fahrenheit 451 (1965), mais les deux hommes se disputent pendant ce dernier tournage. Dans les années 1970, sa carrière décline.
Source : Wikipédia

  • 1938 : Geld fällt vom Himmel de Heinz Helbig avec Signe Hasso
  • 1955 : Lola Montès de Max Ophüls : l’étudiant
  • 1962 : Jules et Jim de François Truffaut : Jules
  • 1965 : L’Espion qui venait du froid (The Spy Who Came in from the Cold) de Martin Ritt : Fiedler
  • 1976 : Le Voyage des damnés (Voyage of the Damned) de Stuart Rosenberg : Dr. Egon Kreisler
Filmographie sélective de Gena Rowlands
  • 1958 : L’amour coûte cher (High cost of Loving) de José Ferrer : Jenny Fry
  • 1962 : L’Homme de Bornéo (The Spiral Road) de Robert Mulligan : Els
  • 1968 : Faces de John Cassavetes : Jeannie Rapp
  • 1974 : Une femme sous influence (A Woman Under the Influence) de John Cassavetes : Mabel Longhetti
  • 2007 : Persepolis : grand-mère de Marjane (voix anglaise)
  • 2012 : Yellow Mimi de Nick Cassavetes : Mimi
  • 2014 : Six Dance Lessons in Six Weeks de Arthur Allan Seidelman : Lily Harrison

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